Entretien avec A., supporter de foot et de l’AS Saint-Etienne

Après notre précédent article sur les supporters que nous vous invitons fortement à lire, nous revoilà, via un entretien réalisé avec un supporter de foot, qui nous livre sa version personnelle du supportérisme et des mouvements ultra. Coup d’envoi, c’est parti !

1) Depuis quand supportes tu Saint-Etienne et qu’est-ce qui a fait que tu supportes cette équipe ?

Je suis et supporte Sainté’ depuis 2008. Avant, je m’intéressais pas tant que ça au foot (à par l’équipe de France). Il s’est passé que mon père m’a acheté une place pour un match amical contre le Standard de Liège le 2 Août en Kop Sud.

J’ai tout de suite accroché à l’ambiance, j’avais les yeux rivés sur les 2 Kops, et depuis j’ai commencé à suivre l’actualité des Verts parce que je me suis senti concerné par leurs performances (il s’agit du club de MA ville quand même) et surtout parce que ça me procurait des émotions chaque semaine. Et pourtant, cette année-là et pendant 2 ans on a flirté avec la relégation en Ligue 2…

2) C’est quoi le B.A BA du supporter, pour toi ?

Je considère que le strict minimum pour se prétendre supporter d’un club, c’est de très bien connaître son histoire, de suivre son actualité, et de TOUJOURS soutenir l’institution.

Je veux dire par là qu’on peut être déçu de la performance des joueurs, ou des méthodes employés par le coach ou les dirigeants, et on peut (on doit) gueuler pour nous faire entendre, mais il ne faut jamais cacher ses couleurs, ne jamais se dire « s’ils continuent comme ça, j’arrête de les suivre ». Un club de football c’est ses supporters. Les joueurs et dirigeants passent, les fans restent.

3) Es-tu abonné au stade ?

Abonné depuis 5 ans en Kop Sud, avec quelques déplacements à l’extérieur à mon actif.

4) Est-ce qu’avant de te rendre au stade, tu as un rituel quelconque (écharpe du club, chants, aller manger quelque part..) que tu juges primordial ?

Toujours une écharpe autour du cou évidemment, aux couleurs du club et de la ville, mais aussi à l’effigie de ma tribune ou du groupe. Pareil pour le t-shirt/pull. J’ai pas spécialement de rituel primordial, en fait ça dépend surtout du jour et de l’heure de la rencontre.

Mais quand il fait beau et que le match est en soirée, généralement on se regroupe au local du groupe avant de partir pour le stade, on se pose devant les buvettes, on rentre dans le stade (toujours dans la même zone de la tribune), je dis bonjour à tous ces potes que je me suis fait grâce à ces années dans le Kop, et après let’s go ! Ah, et Kebab de temps en temps après le match.

5) Appartiens-tu à un mouvement ultra ? Si oui, lequel ? Si non, est-ce que tu comptes y adhérer un jour ?

Je ne suis pas adhérent, mais plutôt sympathisant très proche des Green Angels 92 vu que je connais pas mal de gars du groupe. Je compte me carter un jour où l’autre oui, mais ça demande de l’investissement car qui dit adhérer au groupe, dit participer à la réalisation des banderoles et surtout tifos, dont certains demandent des mois de travail (et beaucoup, beaucoup d’argent).

6) Est-ce qu’il y a, selon toi, une réelle différence entre un supporter lambda et un ultra ?

Clairement oui. Le supporter ultra n’est pas que supporter, il vit pour son club. La semaine il prépare les animations du week end, et le week end il rejoint soit son stade, soit se déplacent à plusieurs heures de route de Sainté, qu’il s’agisse d’un match de Coupe de France contre un petit club sans aucune tribune, ou un match de Coupe d’Europe en Azerbaidjan !

Après il peut aussi exister des supporters non ultras qui chantent 90 minutes et font un maximum de déplacements, mais la différence qui persiste c’est que l’Ultra a une mentalité spécifique. Il cherche à défendre les couleurs de sa ville mais aussi la fierté de son groupe.

Il a des convictions sur sa façon de supporter qui ne changeront pas, peu importe la répression qui peut l’entourer. Il préfère se faire frapper dessus en restant debout que de vivre tranquillement à genoux (je parle des banderoles avec des messages parfois très puissants, ou de l’utilisation de pyrotechnie dans les stades).

7) Est-ce que pour toi, être ultra signifie nécessairement avoir des comportements hostiles (insultes, langage grossier…)

Nécessairement, non. Tu peux très bien être Ultra sans avoir à chanter des insultes à l’adversaire. Néanmoins, je ne pense pas que t’en croiseras, qu’ils soient Ultras ou non.

Les insultes dans les stades font partie du folklore de ce sport, c’est ce qui en fait un sport populaire – non pas que tout ce qui est populaire est forcément grossier, mais après une dure semaine de boulot t’as envie de te lâcher, donc tu balances des insultes ou tu chambres l’adversaire sans forcément le penser, soit pour te défouler, soit pour les faire sortir de leur match (et ça marche).

8) Quel est ton regard sur les débordements dans les stades ? Comprends-tu l’image dépréciative qu’ont les groupes ultras ?

Les débordements dans les stades ne sont pas si omniprésents qu’on veuille le faire croire au grand public. Et une autre nuance qu’il est important de préciser, c’est que beaucoup d’affrontements ne se font pas entre supporters adverses, mais entre supporters et forces de l’ordre. La faute à qui ?

On dira que je ne suis pas objectif, mais bien que les Ultras, plus particulièrement ceux avec quelques grammes, ont le sang chaud, et bien ce sont les flics qui sont provocateurs de violences.

Les raisons à ça sont multiples et variées : -conditions de déplacements drastiques et parcage plusieurs heures dans un parking sans raison -fouilles nombreuses, poussées, parfois humiliantes et longues qui font rater le début d’une rencontre -liberté d’expression bafouée en refusant l’entrée d’une banderole pourtant non haineuse, mais pointant du doigt le comportement d’une personne intouchable -provocations verbales de la part des CRS pour faire monter la tension -refus arbitraire d’entrée dans le stade malgré qu’on ait acheté la place -etc.

Donc après plusieurs heures de déplacements et avec cette réputation de bétail qu’on leur colle à la peau depuis de nombreuses années, c’est normal que les choses peuvent exploser. Et malheureusement, c’est TOUJOURS le supporter qui « en prend plein la gueule ».

Après, en ce qui concerne les heurts entre ultras, ce n’est quasiment jamais en rapport avec le foot. Il s’agit de rivalité et règlements de compte entre groupes. Pour moi c’est complètement indépendant du football. Et je comprends l’image dépréciative qu’ont les Ultras au vu de ce que les médias mettent en avant.

On ne peut pas en vouloir au grand public de penser que les Ultras sont des fanatiques monstres, semblables aux hooligans, parce que c’est ce qu’on veut leur faire croire.

A côté, on ne parle pas de leurs manifestations où ils savent mettre leurs rivalités de côté pour s’unir autour d’une action, ou leurs quêtes au profit d’associations. On ne dit pas assez non plus que sans eux, les stades sonneraient creux, et le football français serait complètement mort.

9) Comment est-ce que tu conçois la rivalité ASSE-OL ? (chambrage, très au sérieux, etc…)

Un peu des deux. Je déteste l’OL, leurs joueurs, leurs mentalités, son président, ses valeurs et tout ce qu’il représente. C’est l’opposé complet de l’ASSE. Aussi, je ne peux pas blairer les « Ultras » (pour peu qu’ils en soient réellement) de leurs clubs, pour les propos qu’ils peuvent tenir, leurs actes, ou leurs convictions politiques du milieu du XXe siècle.

Pour ça, ça ne me dérangerait pas de leur rentrer dedans si par un concours de circonstances les deux groupes se rencontraient. Après, ça ne veut pas dire que j’ai une haine virale du lyonnais.

Là je parle vraiment des supporters qui s’identifient à leurs mouvements et donc nous sont hostiles. Mais sinon ça ne me dérange pas d’avoir des potes lyonnais (bien que très rare) et d’en rester uniquement au chambrage (rires).

10) Est-ce que pour toi, aller au stade, ça se fait primordialement en groupe ? (avec des amis, par ex) ?

Personnellement j’y suis toujours allé en groupe, soit avec de la famille ou début, soit des amis ensuite. Il m’est arrivé seulement 4 fois d’aller au stade tout seul (une fois en Ligue 1, 3 autres fois lors de derby U17). Mais j’étais déjà tellement habitué des Kops que j’ai retrouvé des potes là-bas, donc j’ai jamais fait un seul match tout seul et je pense pas que ça arrivera du coup. Je trouverai toujours quelqu’un que je connais.