Emoji, culture et mondialisation : quel lien ?

« Emoji », « Smiley », « émoticône » : ces trois termes vous évoquent peut-être sensiblement la même chose. Pour cause, ces petites icônes sont omniprésentes dans notre monde actuel, et pimentent nos discussions. Mais compte tenu de la démocratisation de l’emoji, nous allons nous rendre compte qu’il prend une portée culturelle : sur ViveOn, on vous explique le lien entre emoji, culture et mondialisation.

Une gamme variée d’emojis.

L’emoji : les origines et spécificités

Remontons tout d’abord aux origines de l’emoji : né au Japon à la fin des années 90 (en japonais « e » signifiant image et « moji » signifiant lettre), il, tout comme l’émoticône occidental, est d’abord représenté en caractères ASCII, et utilisé de manière plus répandue dans les mails.

La différence (d’ordre culturelle) avec ce dernier réside dans la manière de représenter les émotions : là où l’émoticône occidental va représenter le faciès de profil (exemple : « =D » ), l’emoji japonais va lui montrer l’emoji de face, se focalisant ainsi plus sur les yeux que sur la bouche, censés représenter « le miroir de l’émotion » (exemple : « ^_^ »). C’est d’ailleurs ce modèle qui est utilisé pour les émoticônes jaunes : un visage de face.

De plus, les emojis japonais ne se limitent pas aux simples émotions : ils peuvent représenter toutes sortes de choses comme des légumes, des objets ou des gestes, très souvent propres à la culture japonaise.

Le regain d’engouement suscité par Apple au début de la décennie 2010 (concurrencé ensuite par Android) va conforter le Japon dans l’établissement d’un soft-power, non plus seulement porté sur la cuisine et les oeuvres de fiction, mais aussi via les emojis.

En ce sens, le phénomène emoji prend une portée culturelle : celle de l’affirmation du modèle culturel japonais, qui va ensuite précéder une série de revendications.

Et au niveau des médias ?

En 2012, Miley Cyrus lance le hashtag #emojiethnicityupdate, visant à avoir une meilleure représentativité des différentes ethnies vis à vis des emojis :

par effet boule de neige – et donc par conscientisation du fait que les autres ethnies que celle majoritaire aux Etats-Unis (blanche) peuvent aussi faire valoir leur opinion sur le sujet, ce hashtag a débouché trois années plus tard (en 2015) sur une mise à jour du système d’exploitation Apple, permettant cette fois-ci à ses utilisateurs d’avoir une gamme ethnique d’emoji plus fournie, basée sur la classification de Fitzpatrick et dans le but de représenter la diversité ethnique. Cette initiative sera néanmoins critiquée car jugée en décalage avec le côté « fun » de l’emoji.

Diversité ethnique, mais pas que : Apple promeut également la diversité dans l’orientation sexuelle, avec l’apparition d’emoji représentant des couples homosexuels.

Quelles conséquences ?

Toujours dans cette optique de diversité, une jeune adolescente de 15 ans, portant le voile et déplorant l’absence d’emoji voilé chez Apple, décide de concevoir ses propres emojis et d’envoyer la proposition à Apple.

Mais sa requête sera sans suite : elle décide alors d’envoyer sa conception au Consortium Unicode. C’est un organisme chargé de standardiser les caractères pour chaque système d’exploitation et plateforme.

Cette fois-ci, sa requête sera entendue et, après la publication d’un communiqué par le Consortium Unicode, Apple décide de créer un emoji hijab, qui sera alors lancé en octobre 2017.

Le phénomène emoji s’inscrit donc pleinement dans une optique de mondialisation, tant par le caractère marketing et économique qu’il peut revêtir que par la portée culturelle qu’il a pris durant cette décennie, et visant à représenter des ethnies, des cultures et manières de vivre qui se détachent de la norme WASP.